Dans un précédent billet, j’expliquais pourquoi l’augmentation de l’âge
de départ à la retraite, l’allongement de la durée de cotisation ne sont pas des solutions inéluctables, mais procèdent bien de choix politique.
Dans ce billet, je m’attelle maintenant à proposer d’autres choix politiques.
Le déficit des retraites : ordre de grandeur
En 2008, le déficit du régime général (CNAV) était de 5.8 Md€. Ce déficit est estimé à 10.7 Md€. Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, l’augmentation
brutale de ce déficit s’explique en grande partie par la crise économique.
Entre 5 et 10 milliards d’Euros, en valeur absolue, c’est un chiffre extrêmement élevé. Néanmoins, quelques éléments de comparaisons permettent de mieux le situer :
42 Md€ : Niche sociale (exemption de charge sociale)
40.2 Md€ : charge de la dette, montant des intérêts payés par l’Etat.
13 Md€ ; Loi TEPA, dite Paquet Fiscal votée au début de la présidence Sarkozy
8.4 Md € : bénéfice annuelle de la société Sanofi Aventis (première au CAC 40)
3 Md€ : Coût de la baisse de la TVA dans la restauration
Ces quelques exemples montrent que le déficit de la CNAV est certes important, mais d’un ordre de grandeur qui n’a rien d’abyssal : ¼ des exonérations de charge sociale, 2/3 du Paquet
Fiscal, 3 fois la baisse de la TVA. Pour enfoncer le clou, disons même qu’une seule société française (certes la plus profitable) fait autant de bénéfice que la CNAV perd de l’argent.
Ces ordres de grandeurs montrent que la somme « à trouver » est tout à fait de l’ordre de ce qu’un Etat peut trouver s’il s’en donne les moyens et en a la volonté politique. Si
l’Etat l’a eu pour le paquet fiscal, il peut l’avoir aussi pour les retraites !
Financer nos retraites : quelques pistes
Pour financer nos retraites, il faut donc trouver 10 Md€. Bien sûr, cela ne se trouve pas sous la botte d’un cheval, mais comme dit plus haut, cela se trouve trois fois chaque année pour financer
les exonérations de charges sociales aux entreprises, une fois de plus pour le Paquet Fiscal et il en reste encore pour l’exonération de la TVA dans la restauration.
Ci-dessous, quelques pistes donc :
Augmenter les salaires
La principale recette de la CNAV, ce sont les charges sociales, assise sur les salaires. Augmenter les salaires, cela augmente donc mécaniquement les recettes de la CNAV. 1% d’augmentation des
salaires augmenteraient ainsi de 3 Md€ les recettes de l’assurance maladie.
Certes, l’Etat ne peut pas décréter une augmentation générale des salaires. Encore que, les célèbres accords de Grenelle du 27 mai 1968 ont conduit à une augmentation de 25% du SMIG et de 10% en
moyenne des salaires ! On n’en demande pas tant.
Il est tout à fait dans le pouvoir de l’état d’augmenter significativement le SMIC et même de mettre en place les conditions de négociations générales sur les salaires entre les syndicats et les
organisations patronales qui – sans aller jusqu’aux fameux accords de Grenelle – pourraient déboucher sur des augmentations des salaires significatives dans toutes les branches. Encore en faut-il
la volonté politique.
Taxer les revenus financiers, les stocks options
Comme l’a tristement démontré la crise économique, l’économie financière est devenue un élément fondamental de notre économie. Elément néanmoins totalement exempt de toute participation à
l’effort commun de sécurité sociale, retraite comprise.
Une taxation à 0.3 % (ce qui n’a rien d’excessif – convenons en) rapporterait 10.7 Md€ . De même, une taxation à hauteur de 8% des stock-option et autres
revenus non soumis à l’impôt rapporterait environs 3 Md€
Aller plus loin : réformer en profondeur le mode de financement de la sécurité sociale
Aujourd’hui, la sécurité sociale est financée par les cotisations sociales, c'est-à-dire exclusivement par les salaires, que ce soit la part salariale ou la part patronale. Cela a deux
conséquences néfastes :
Tout d’abord, tout gain de productivité d’une entreprise se traduit automatiquement par une perte pour la sécurité sociale : si une entreprise produit plus avec la même masse salariale, ou
produit autant en réduisant sa masse salariale, ce gain de productivité de l’entreprise se traduit par une perte de revenu pour la sécurité sociale. Le progrès nuit à la sécurité sociale, ce
n’est pas une stratégie d’avenir !
Ensuite, le « poids » des charges sociales est répartit de manière très inégalitaire selon les entreprises. Certaines entreprises dites « de main d’œuvre » nécessitent une
très grande quantité de personnel peu ou pas qualifié pour fonctionner. On pense notamment aux entreprises du BTP. Ces entreprises ont un nombre élevé de personnel et paye donc des charges
sociales élevés. A l’inverse, les entreprises dite « à forte valeur ajouté » emploie très peu de personnel, fortement qualifié. Elles payent donc très peu de charges sociales. Il y’a
là, entre les entreprises, une véritable inégalité.
On peut imaginer repenser profondément le mode de financement de la sécurité sociale. Les ouvriers étant remplacé par des robots, certains avaient imaginé à une époque d’imposer des charges
sociales sur les robots. Blague à part, l’automatisation, les gains de productivités, la différence entre les entreprises de mains d’œuvres et celles à fortes valeurs ajoutées posent un problème.
Pourquoi donc continuer à asseoir la part patronale des cotisations sociales sur les salaires ? Pourquoi ne pas imaginer plutôt asseoir la part patronale des cotisations sociales sur le
Chiffre d’Affaire ?