J’écris ce texte au moment même où se tient le 34ème congrès national, ignorant du résultat des élections internes quant à la future direction nationale du parti, mais fort de l’expérience des congrès fédéraux préalables. Le moment me parait le mieux choisi pour donner un avis le moins subjectif possible, et en tout cas indépendant du résultat des votes.
Nos statuts ont été rédigés dans l’idée d’un PCF « soudé », sans tendance organisée, et où le dialogue permet toujours d’aboutir à un consensus. Cela ne représente plus la réalité du PCF d’aujourd’hui. Sinon dans les textes, les tendances existent dans les faits. Il n’y a qu’à lire la presse pour en connaître les noms et les principaux dirigeants ; et même si en dehors de tout cadre, elle fonctionne et pour ce congrès proposent des amendements qui remontent identique à la virgule prêt de plusieurs sections et fédérations.
Le PCF n’est plus soudé et la recherche d’un consensus y parait impossible. Le parti est en crise, chacun croit détenir la solution pour le sauver, est persuadé que toute autre voie le perdra. Dans ces conditions, les tensions ne peuvent qu’être exacerbés et la recherche d’un consensus impossible. Et puis, le « consensus mou » qui ne tranche vraiment aucune grande orientation politique pour ne heurter personne est-il un idéal politique à atteindre, en dehors où à l’intérieur d’un parti ?
C’est pourquoi nos statuts ne sont plus adaptés. Pensé comme je viens de le dire pour favoriser la recherche de consensus et sans logique de tendance, ils ne savent pas permettre un débat démocratique et serein quand des lignes politiques divergentes au sein du parti s’opposent frontalement.
Le §12.4 prône ainsi de faire tous les efforts pour l’adoption d’une liste commune. Et si on s’essaye a mettre en œuvre en application la mise en œuvre de liste divergente, on s’aperçoit que cela est au mieux ubuesque, au pire contraire à l’effet recherché. La preuve par deux exemples imaginaires (ou presque) :
Prenons le cas le plus simple, ne faisant même pas appel à la notion de tendance.. Deux personnes n’ont pas été retenues par la liste des candidatures. Ils sont des militants efficaces, à la compétence reconnue par un grand nombre de congressiste mais que la commission des mandats n’a pas retenue pour des raisons diverses (besoin de réserver des places pour représenter les courants de pensées, certaines sections influentes, etc.)
Cependant, un certain nombre de congressiste souhaite qu’ils maintiennent leur candidature. Mais ces deux candidats n’ont pas autour d’eux 98 amis prêt à se lancer dans une liste alternative. Tel n’est pas le sens de leur candidature, bien au contraire.
Ils sont deux, deux hommes. Ils ne peuvent pas être simplement ajouté à la liste commune, parce que parité oblige, il faudrait alors soit retiré un ou deux hommes, soit ajouté une ou deux femmes. Ce qui n’est pas la question.
Les statuts ne permettent pas d’ajouter quelques personnes supplémentaires à la liste proposée par la commission des candidatures. Le choix de la commission des candidatures devient dans les faits souverain, le congrès théoriquement souverain est dans l’incapacité de voter pour choisir d’élire ou non ces deux candidats n’ayant pas été retenu par la commission des candidatures.
Prenons un deuxième exemple, faisant appel à des tendances, non officielle, mais néanmoins existante dans les faits. La commission des candidatures propose une liste commune regroupant une vingtaine « d’amis » d’une tendance de fait, mais a refusé d’en inclure un qu’on appellera « exclu », ce que la tendance de fait n’accepte pas. Le consensus est impossible. L’ « exclu » soutenu par sa tendance décide donc de présenter une liste alternative.
Un premier problème se pose : la liste commune ayant été déclaré, selon les statuts 48 heures avant l’ouverture du congrès, mais dans les faits bien souvent durant le congrès lui-même, cet « exclu » n’apprend son statut d’« exclu » que au mieux 2 jours avant le congrès, mais dans les faits en plein milieu du congrès, à l’ouverture du débat sur les candidatures. Il lui faut constituer une liste soutenue par 5% du congrès dans l’urgence, ce qui peut se révéler très difficile.
Et quand bien même ils y arriverait, un nouveau problème se pose immédiatement : à la recherche d’une liste faisant consensus, la commission des candidatures a retenu une vingtaine d’amis de l’« exclu ». Les statuts interdisent d’être sur une liste et d’en soutenir une autre ; s’ils sont honnêtes les vingt amis se doivent alors de quitter la liste commune. Celle-ci est alors amputée d’une vingtaine de ses membres, et selon toute probabilité ne respecte plus la parité. Elle ne respecte plus les statuts. Il faut alors refaire une nouvelle « liste commune », à moins à 48 heures du congrès moins le temps qu’il aura fallut pour constituer la liste alternative, voir vraisemblablement en plein milieu du débat. C’est pratiquement impossible.
En tout cas, c’est à minima placer le congrès dans une situation d’urgence et de tension. Tension non pas causée par l’absence de consensus sur un nom, ce genre de chose est normal et naturel dans la vie d’un parti, mais causée par des statuts qui ne permettent pas un fonctionnement simple de la démocratie interne en l’absence de consensus.
A mon sens, les statuts du PCF doivent être revues d’urgence. Je ne pense pas que cette question soit mineure : un parti incapable de remettre en cause son fonctionnement interne peut-il être capable de trouver la bonne réaction à une crise profonde comme celle que nous traversons ?