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7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 22:10

Faut-il considérer les différents partis de gauche comme de simples tendances à gauche ou faut-il au contraire considérer qu’il existe deux gauches distinctes, la gauche sociale-démocrate (PS, Vert-EE) et la gauche anticapitaliste (PCF, PG, NPA) ?

 

 Du programme commun de 1981 à la présidentielle de 2002, la question ne se posait pas en ces termes. On parlait de « gauche de gouvernement » ou « d’extrême gauche ».  Mais depuis 2002, le paysage politique français a fortement changé : 21 avril 2002, référendum sur le TCE en 2005, crises des subprimes – émeutes de la faim [0] - de la dette souveraine, et ce qu’on tenait pour acquis mérite sans doute d’être de nouveau questionné.

 

La question peut se poser sur deux axes : idéologiquement, y’a-t-il ou non incompatibilité entre les orientations politiques des différentes organisations ‘de gauche’ ; stratégiquement, la gauche du PS a-t-elle intérêt à s’en démarquer ou au contraire à « l’ancrer à gauche » ?

 

Sur le plan idéologique

 

Le référendum sur le TCE de 2005 a été une rupture : Le PS et les Verts appellent à voter « Oui » aux côtés du centre et de la droite. Le PCF appelle à voter « Non » avec l’extrême gauche. La rupture se fait sur le thème de l’économie de marché et de la concurrence libre et non faussée. A cette occasion apparaît clairement d’un côté une gauche sociale-démocrate qui veut donner un visage humain au capitalisme et une gauche qui refuse la logique capitaliste.

 

Lors du Congrès de Reims en 2008, le PS réforme sa charte en déclarant « être partisan de l’économie sociale et écologique de marché »  [1]. Les quelques dirigeants socialistes qui avaient appelés à voter « Non » rentrent dans le rang, à l’exception de ceux qui – Jean Luc Mélenchon en tête – partent fonder le Parti de Gauche.

 

Quant à Europe – Ecologie, Les Verts, la simple question de l’appartenance à gauche de cette nouvelle formation fait débat dans ses rangs. Le premier a considérer que la nouvelle formation ne devrait pas être de gauche est Daniel Cohn-Bendit [2].

 

En 2010, l’économie de marché est la cause première de plusieurs crises successives et imbriquées : crises des subprimes, spéculation sur les denrées alimentaires et émeutes de la faim, crises bancaires, de la dette souveraine… La réponse à donner aux crises qui secouent l’Europe et le monde n’est pas la même selon qu’on s’inscrit dans l’économie de marché ou en rupture avec elle. Le fossé apparu en 2005 est toujours d’actualité, et se creuse toujours plus.

 

La naissance du Parti de Gauche est, à cet égard, un élément essentiel.  Ceux qui ont fondé le Parti de Gauche l’ont fait en disant « ça suffit comme ça ! », la dérive vers le centre et la droite du PS est désormais irréversible, se battre contre cette dérive au sein du PS est un combat d’arrière garde, perdu d’avance.

En fondant un nouveau parti, ils offrent une perspective à tous ceux qui, issu d’une culture sociale-démocrate, refusent cette dérive. Après des années à être sympathisant / militant du PS ou des Verts, il peut être culturellement difficile de rejoindre un parti comme le PCF ou le NPA. Le PG leur offre une alternative et permet donc de construire un large rassemblement de tous ceux qui refuse la dérive au centre de la social-démocratie.

 

Sur le plan stratégique.

 

Depuis 1981, la stratégie du PCF a été « d’ancrer à gauche » le PS. En 2010, il faut bien constater que le PS n’a jamais été autant à droite.  Le nouveau modèle économique, social et écologique adopté par le PS en 2010 apparaît ainsi fortement en retrait par rapport au programme de Ségolène Royal de 2007, qui n’était pourtant déjà pas un modèle de programme « de gauche » [3].

A ce jour, les sondages indiquent comme favori des primaires socialistes, Dominique Strauss Kahn, directeur du FMI, lequel a organisé des politiques libérales et d’austérités en Irlande et en Grèce plus violentes encore que celle de l’UMP en France, tandis que Manuel Valls, autre candidat aux primaires, tire à boulet rouge sur les 35 heures en parfaite communion avec le président de l’UMP, Jean-François Copé.

Certes, tous les socialistes ne sont pas DSK ou Valls. Mais ils sont membres du même parti, acceptent de se soumettre à une règle commune et acceptent par avance de faire campagne pour l’un ou l’autre s’il venait à être le vainqueur des primaires socialistes.

 

Plus encore, les scores successifs du Modem en 2007 puis d’Europe Ecologie en 2009 ont « ancré » le virage à droite du PS : Parallèlement, du moins à l’élection présidentielle de 2007, le PCF fait un score très faible. Pour un certain nombre de dirigeants socialistes, le PCF n’est plus l’allié naturel du PS ; il devient un allié marginal, occasionnel. Le nouvel allié naturel étant à aller chercher du côté du centre : Modem un temps, aujourd’hui Vert – Europe Ecologie.

 

Si pendant longtemps, on a pu croire que le PCF conservait ses élus locaux grâce aux alliances avec le PS,, la donne a changé. Partout où le PS est en mesure de conquérir des sièges sur le PCF, il le tente. On l’a constaté lors des cantonales et municipales de 2008 avec notamment le passage au PS de la Seine Saint Denis, on le constate aujourd’hui encore avec les projets d’accords PS – Verts Europe Ecologie pour renverser la majorité communiste dans le Val de Marne [4].

 

Même si, de fait, le PS a fait le choix pour le PCF de la rupture de l’alliance entre les deux formations, poursuivre cette alliance est également une stratégie perdante pour le PCF. Mitterrand parlait déjà de « plumer la volaille communiste ». Le bilan de la participation des élus communistes au gouvernement Jospin en a été la consécration. Certes, le PCF peut se prévaloir d’avoir obtenus quelques avancées sociales, notamment la loi SRU. Mais au prix d’avoir avalé combien de couleuvres, d’avoir accepté combien de concessions ? Le gouvernement Jospin a atteint des sommets en termes de privatisation, un ministre communiste signa les décrets transposant en droit français le « Premier Paquet Ferroviaire » de l’Union Européenne, ouvrant la voie à la concurrence sur le réseau ferré. Une maigre avancée pour tant de renoncements, cela ne fait pas avancer un idéal.

La sanction des urnes fut sans appel : 3.37% aux élections présidentielles de 2002, un score inférieur à ceux de LO et de la LCR, et  pour la première fois dans l’histoire du PCF en dessous de la barre symbolique et financière des 5%

 

La ligne des deux gauches, une démarche d’avenir

 

Le Front de Gauche a donné une nouvelle dynamique au PCF et à la gauche à gauche du PS. Aux élections régionales et européennes, le Front de Gauche a renoué avec des scores entre 5% et 10% ; scores insuffisants bien sûr mais qui ont le mérite d’avoir enrayer la chute électorale du PCF.

 

Néanmoins, si le Front de Gauche devait conclure en 2012 par un appel à voter Dominique Strauss-Khan, Directeur du FMI et partisan d’une idéologie libérale à peine socialisée, en contradiction complète avec les valeurs que le Front de Gauche a défendu jusqu’alors, on pourrait se demander « tout ça pour ça » ? L’échec serait complet.

 

Alors oui, le Front de Gauche doit s’affirmer non seulement comme en rupture avec l’idéologie libérale telle que mise en œuvre par la droite, mais aussi en rupture avec l’idéologie libérale « humanisée » telle que pourrait la mettre en œuvre la gauche sociale-démocrate et ses alliés centristes.

 

 

[0] .Le retour des émeutes de la faim

 

[1] Déclaration de principe du Parti Socialiste, §II-Art 6

 

[2] : Daniel Cohn-Bendit appelle les écologistes à « rassembler au-delà de la gauche » (Libération, 13/11/2010)

 

[3] : Pour s’en convaincre, lire la note d’analyse du PG sur le nouveau modèle social, économique et écologique du PS.

 

[4] Lire la déclaration du conseil fédéral du PCF 94 du 01/12/10

 

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