Vingt mois que le peuple Syrien se soulève
contre son dictateur, et ce soulèvement a définitivement basculé d’une opposition pacifique en une guerre civile faisant des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de blessés,
de déplacés.
Des dictatures, Iran, Russie, Chine, soutiennent l’une des leurs ; des pays arabes dont certains à peine moins autoritaires que les susnommés soutiennent la rébellion, chacun par intérêt et aucun par idéologie. Et les puissances occidentales se cantonnent au service minimum, se cachant derrière le paravent du blocage du Conseil de Sécurité par la Chine et la Russie.
Peut-on pourtant rester sans réagir face à se drame ? Et que peut-on faire ?
Certains pacifistes bêlants rejettent dos à dos l’opposition armée et l’armée du régime. Ils ont beau jeu de dénoncer les crimes de guerre commis par les deux camps, même s’il semble avéré qu’ils sont bien plus nombreux et systématiques du côté du régime que du côté de l’opposition. Ils ont également beau jeu de dénoncer les soutiens officieux de l’opposition, Arabie Saoudite et Qatar en tête, régimes religieux et autoritaires qui n’agissent que pour leurs propres intérêts géostratégiques et non pas au nom d’un idéal démocratique qu’ils ne prônent d’ailleurs pas pour eux-mêmes. Ils ont également beau jeu de dénoncer la prolifération de groupes islamistes peu recommandables. Ils ont beau jeu de dénoncer ce que devient la Lybie, en proie aux milices et aux chefs de guerre. Tout cela est vrai. Néanmoins …
Je citerais Nelson Mandela : « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé, qui détermine la forme de la lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’a pas d’autre choix que de répondre par la violence ». C’est effectivement l’oppresseur, le régime Syrien qui a choisit de répondre par la force des armes aux manifestations pacifiques. L’Armée Syrienne Libre s’est constituée sur la base de soldats qui se sont mutinés pour ne pas avoir à faire usage de leurs armes sur leur propre peuple. Il n’y a rien d’ambiguë ou de trouble dans les origines de la formation de l’ASL.
Ce qui est ambiguë ou trouble, c’est ce que l’ASL devient au fur et à mesure que le conflit s’enlise faute d’un véritable soutien des pays occidentaux : soutien des pays arabes autoritaires, infiltration par des mouvements islamistes.
Le combat de l’ALS contre le régime syrien est inéquitable. L’ALS ne peut vaincre sans aide extérieure. Elle prend celle qu’on lui donne et n’a guère les moyens de se montrer difficile sur les motivations des donateurs. Mais ceux-ci l’influencent et la transforment. Aujourd’hui, cette aide vient de régimes, de mouvements qui n’ont aucune envie de voir un régime réellement démocratique, laïc et libre en Syrie. Et on a tout lieu de craindre que si la rébellion venait à triompher, la nouvelle Syrie ne serait ni libre, ni démocratique, ni laïque. Et si elle ne venait pas à triompher, le massacre, les tortures, les emprisonnements arbitraires, la dictature perdureront en plus terrible encore. Ne rien faire est-il donc une option ?
Mais si l’aide venait de puissances démocratiques et laïques, dans le respect du droit international, pourrait-il en être autrement ? Je le crois sincèrement.
Soutenir la rébellion syrienne, dans le respect du droit international.
Le blocage au Conseil de Sécurité de l’ONU de toutes résolutions trop contraignante pour le régime syrien est une des causes premières
du sentiment d’abandon de la rébellion syrienne qui la jette dans les bras des mouvements islamistes ou du moins de régimes arabes autoritaires. Un soutien clair et sans faille de l’ONU à la
rébellion syrienne est nécessaire pour contrer l’influence des islamistes… et ce soutien est possible ; en dépit du blocage au Conseil de Sécurité par la Russie et la Chine.
Comme je l’indiquais dans un billet précédent, la résolution n°377, dite « Union pour le Maintien de la Paix » autorise l’Assemblée Générale de l’ONU à intervenir en cas de blocage au Conseil de Sécurité. Ainsi, en 1981, la résolution 36/121 de l’Assemblée Générale des Nations Unies demandait aux états membres de fournir une « assistance matérielle, financière, militaire » au SWAPO, mouvement de libération de la Namibie, contre l’occupation du pays par l’Afrique du Sud. La même résolution dénonçait la collusion de la France, des USA et du Royaume Uni avec l’Afrique du Sud et leur triple véto au Conseil de Sécurité.
Une résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies autorisant les états membres à une « assistance matérielle, financière, militaire » à l’opposition Syrienne, dénonçant la collusion de la Chine et de la Russie avec la Syrie serait exactement du même ordre et tout à fait envisageable. Elle respecterait parfaitement la légalité internationale et sa jurisprudence.
Deux dictatures ne pourraient pas s’opposer à la volonté de la majorité des nations du monde, ce qui serait un signal extrêmement fort. Un signal de soutien et d’encouragement au peuple syrien en lutte aujourd’hui, et à tous ceux qui voudraient par la suite prendre le même chemin.
Un soutien militaire, sous quelle forme ?
Je parle de soutien militaire, pas d’intervention militaire, à dessin. Il n’existe pas de guerre propre, et si tant est que les puissances occidentales aient les moyens militaires de venir à bout du régime syrien (ce dont certains experts militaires doutent sans une implication massive des USA qui n’y sont pas prêt), je ne pense pas comme BHL que des « avions de la liberté » puissent larguer « la démocratie » sur la Syrie. A ce titre, la Lybie en a été un bon exemple ; Le pays est toujours en proie aux milices et aux chefs de guerre, au bord du chaos.
Une des erreurs principales de la guerre en Lybie fut d’armer aveuglément l’opposition à Kadhafi. La France a ainsi parachuté des armes dans le Djebel au sud de Tripoli pour s’apercevoir à la chute de la ville que son nouveau maître était un proche des réseaux d’Al Quaeda …. Les armes parachutées en Lybie sont ainsi arrivées entre toutes les mains, notamment les moins recommandable s: chefs de guerres qui continuent de faire régner la terreur en Lybie, groupes islamistes ou touaregs qui leurs ont trouvées une nouvelle utilisation au Mali.
La situation en Syrie est cependant différente. Bien plus qu’en Lybie, l’ASL est structurée autour d’un noyau de militaires de carrière, aujourd’hui déserteurs. Par ailleurs, nul n’est besoin en Syrie de parachuter des armes sans contrôle. L’opposition Syrienne dispose de bases arrières en Turquie et contrôle une large part de la frontière entre la Turquie et la Syrie.
Cette configuration permet de choisir qui on entraîne et qui on arme. Il est raisonnable de penser que les déserteurs de l’armée régulière syrienne qui ont retourné leurs armes contre leurs généraux pour ne pas avoir à tirer sur leur peuple n’ont ni la propension à être de futurs miliciens faisant régner la terreur (ils n’avaient qu’à rester dans l’armée de Bachar Al Assad pour l’être), ni la propension à devenir des islamistes (l’armée de Bachar Al Assad a énormément de défauts, mais pas celui là). Il est raisonnable de penser que si ces soldats sont entrainés et armés par des puissances démocratiques, ils pourront rester fidèles à ces idéaux.
Mais s’ils sont abandonnés à eux seuls, alors oui, il ne leur restera qu’à prier Allah de leur accorder la victoire et à
rejoindre les rangs des islamistes.
Comme je le disais en préambule, c’est l’oppresseur qui choisit les formes de la lutte. Il a décidé qu’elle serait armée, il faut désormais en prendre acte et agir en conséquence. Il ne faut pas avoir de fausse pudeur, rester dans une politique de « non-intervention » dont on a vue ce qu’elle a pu donner autrefois en Espagne, dont on voie quotidiennement ce qu’elle donne en Syrie avec une poursuite sans fin des combats et des morts. Alors oui, Il faut soutenir militairement l’opposition Syrienne.