Le Conseil National du PCF s’est réunit les 28 et 29 mars pour analyser les résultats des élections régionales, (cf. relevé de décision [1] et rapport de Pierre Laurent [2]). Le secrétariat national du Parti de Gauche faisait a fait également plusieurs déclarations suite aux élections les jours précédents (Déclaration du secrétariat national du PG suite aux élections régionales et Déclaration du PG sur les exécutifs régionaux ).
Poursuivre le Front de Gauche
Le Conseil National du PCF se prononce sans ambiguïté pour reconduire la participation du PCF au Front de Gauche ( « Il s’agit donc désormais à partir de nos choix de Congrès de faire entrer notre stratégie de Front de gauche dans une nouvelle phase, une nouvelle étape de son développement. »[1]), option bien entendu également partagé par le PG « La preuve est faite que la cohérence du vote Front de gauche se renforce dans l'épreuve de la clarification politique. Nous pensons que cela est de nature à faire avancer l'adhésion au Front de Gauche d'un nombre croissant de consciences de gauche. ». Sans que cela soit encore dit officiellement, le Front de Gauche est désormais un objet politique stable, et le « paquet électoral » proposé par le Parti de Gauche (union jusqu’aux présidentielles et législatives de 2012, Pour un Front durable jusqu’à la présidentielle et au delà) semble tacitement accepté par le PCF, même si cela devra être formalisé lors d’un congrès en juin 2011. On imagine cependant difficilement aujourd’hui que le PCF fasse un autre choix.
Elargir le Front de Gauche
PG et PCF s’accorde pour élargir le Front de Gauche. Ainsi, le CN du PCF lance un appel : A toutes les actrices et tous les acteurs du mouvement social, aux syndicalistes, aux intellectuels, aux militants de quartier, à toutes les femmes et les hommes qui se sont intéressés, ou ont rejoint ou soutenu notre démarche, nous lançons un appel « pourquoi le Front de gauche ne deviendrait-il pas votre affaire ? » [1]
Le PG lui propose « que le Front de Gauche s'élargisse sans tarder. D'une part à toutes les forces de l'autre gauche qui le souhaitent et notamment à celles avec lesquelles nous venons de faire campagne. Ensuite en nous enracinant le plus largement possible. Nous proposons d'offrir la possibilité d'adhérer au Front de Gauche sans être obligés de rejoindre les partis qui le constituent. » [3]
Seule différence notable, nous y reviendrons plus bas, le PG cite nommément l’hypothèse d’une union avec d’autres organisations dont le NPA, « On peut dorénavant espérer que nos camarades du NPA entendent ce message de masse et fassent dorénavant le choix de l'unité » [3]. Le PCF estime quant à lui que « L’expérience le montre, la question ne peut être seulement affaire d’organisations » [1] entendez, la question n’est pas l’affaire d’organisation, et surtout pas d’élargissement au NPA.
Le Front de Gauche oui, mais quel Front de Gauche ?
Pourtant, à la lecture croisée des communiqués du PCF et du PG, on peut s’interroger sur ce que chacun attend du Front de Gauche.
Le PG le dit depuis sa fondation, son but est de contester l’hégémonie à gauche du PS et le réaffirme encore aujourd’hui : « nous estimons que le PS et Europe Ecologie ne sont pas à la hauteur de l'état d'urgence sociale et écologique du pays. Le Front de Gauche doit se hisser à une nouvelle hauteur afin de devenir un recours pour le pays. » et « Le PS était convaincu de nous faire reculer dans ce bras de fer qu'il a voulu localement comme nationalement pour relativiser le poids du Front de Gauche et jeter un interdit sur toute alliance avec le NPA (quand bien même dans le Limousin il se soit agi de NPA unitaires). Nous avons fait à l'inverse la démonstration que le Front de gauche a des réserves électorales considérables. La preuve est faite que la cohérence du vote Front de gauche se renforce dans l'épreuve de la clarification politique. Nous pensons que cela est de nature à faire avancer l'adhésion au Front de Gauche d'un nombre croissant de consciences de gauche. Et aussi de militants et dirigeants politiques. ». Pour le PG, la gauche social-démocrate et « l’autre gauche » (entendez anti-capitaliste, de transformation sociale, radicale …) ont des projets différents. Ils peuvent s’unir pour battre la droite au second tour d’une élection, mais la transformation sociale réelle ne viendra que lorsque cette autre gauche aura pris l’ascendant sur la gauche social-démocrate incarnée par le PS et les Verts (sans parler d’Europe Ecologie dont le positionnement « à gauche » fait débat).
Ainsi, le PG a annoncé qu’il ne participerait pas aux exécutifs régionaux dirigés par le PS « Les conseillers régionaux du Parti de Gauche élus le 21 mars ne participeront pas aux exécutifs régionaux. » [3]estimant que les conditions requises par le texte du 28 octobre 2009 servant de protocole d’accord à la formation du Front de Gauche n’étaient pas réunis.
Ces conditions étaient : « la possibilité de mettre en oeuvre les points essentiels de notre programme et du rapport de force permettant effectivement de les appliquer. Cette hypothèse exclut toute participation du Modem ». Au lendemain des régionales, le PG considère que : « ni le rapport de force, ni le contenu ne nous permettent de participer à des exécutifs qui ont pour objet d'appliquer le contrat de mandature signé entre le PS et Europe Ecologie. » [3].
Le PG vient ainsi pratiquement sur les positions défendues par le NPA en début de campagne de non-participation aux exécutifs. L’excellent score de la liste Front de Gauche et NPA en Limousin (19.1%) sur ces bases y est sans doute pour beaucoup. D’ailleurs, le PG appelle de nouveau à l’unité du Front de Gauche avec le NPA (On peut dorénavant espérer que nos camarades du NPA entendent ce message de masse et fassent dorénavant le choix de l'unité [2]).
Le PCF est hélas beaucoup moins clair dans ses objectifs. Certes, le PCF il « La bataille de 2012, contre la droite mais aussi dans le débat à gauche, se gagnera d’abord sur le terrain du projet. » [1], indiquant une différence de projet « à gauche ». Pierre Laurent précise : « notre ambition politique est clairement la constitution de majorités politiques de gauche autour de projets réellement transformateurs » [2] .
Mais pour lui, à la différence du PG, il n’y a bien qu’une seule gauche. On cherche vainement dans le rapport de Pierre Laurent [2] toute référence claire à une distinction entre la gauche social-démocrate et « l’autre gauche » au sens du Parti de Gauche. Ainsi, Pierre Laurent voit le Front de Gauche « comme composante dynamique nouvelle ayant contribué à la victoire de la gauche. » [2] , et déclare « Nous sommes aujourd’hui l’une des trois composantes indispensables à toute victoire de la gauche. » [2] . Il considère que « Notre travail de rassemblement sur des contenus de changement réel pour notre peuple doit embrasser tout le champ de la gauche » sans distinguer la gauche social-démocrate de « l’autre gauche », vocable totalement absent sous une quelconque forme du discours du PCF.
Quant au NPA, la question est vite évacuée. Pierre Laurent dans son rapport se contente d’acter l’échec du NPA « notons l’échec électoral et politique du NPA par rapport à ses objectifs fondateurs » [2] . Et si Pierre Laurent se félicite de l’excellent score de la liste Front de Gauche en Limousin «Je veux en particulier saluer les quatre régions où les listes du Front de gauche conduites par des têtes de listes communistes dépassent la barre des 10 % : l’Auvergne avec André Chassaigne qui réalise 14,24 %, le Limousin avec Christian Audoin qui réalise 13,13 % au 1er tour et réussit un formidable 19,1 % » il n’en retient que la tête de liste communiste. Pierre Laurent ignore opportunément la présence du NPA sur cette liste, ignore tout autant le refus du PS d’accepter un élu NPA au conseil régional, libre de son vote. Il ne s’interroge donc pas sur la stratégie qui a amené à le Front de Gauche en Limousin a se maintenir au second tour en refusant de siéger à l’exécutif régional, stratégie qui lui a valu le meilleur score national du Front de Gauche. Voilant pourtant un fait qui mériterait une sérieuse analyse. Pierre Laurent dit encore : « Comment élargir encore et toujours le Front de gauche ? L’expérience le montre, la question ne peut être seulement affaire d’organisations. ». Certes, mais elle est aussi une affaire d’organisation. Mais d’élargir le Front de Gauche au NPA, pas un mot ni dans le discours de Pierre Laurent, ni dans la résolution du CN, dont l’appel à élargir le Front de Gauche ne s’adresse pas aux militants d’autres organisations politiques : « A toutes les actrices et tous les acteurs du mouvement social, aux syndicalistes, aux intellectuels, aux militants de quartier, à toutes les femmes et les hommes qui se sont intéressés, ou ont rejoint ou soutenu notre démarche, nous lançons un appel « pourquoi le Front de gauche ne deviendrait-il pas votre affaire ? »
En conclusion, le PCF ne voit quant à lui aucune objection à la participation des élus du Front de Gauche aux exécutifs régionaux. C’est d’ailleurs la raison avancée par le PG pour refuser de siéger dans le groupe Front de Gauche en Ile de France (Déclaration des conseillers régionaux du PG en Ile de France), même si le PCF dénonce des raisons bien moins glorieuses pour le PG (Mise au point de Gabriel Massou). Sans entrer dans la polémique sur la question des places, on voit là qu’apparaît un clivage important entre le PG et le PCF.
Alors, quel avenir pour le Front de Gauche. Les ambitions du PG et du PCF resteront-elles compatibles, ou peut-on émettre une sérieuse hypothèque sur l’avenir du Front de Gauche ?
Au dernier congrès, la « base » du PCF avait proposé de nombreux amendements pour rappeler les orientations communiste, de rupture avec le capitaliste de ce parti, singulièrement absente dans le texte initial proposé par la direction nationale – dont Pierre Laurent. Espérons qu’il en soit de même au congrès de juin 2010, même si l’élection prévisible de Pierre Laurent dont je viens ici de détailler les orientations politiques ne présage rien de bon à ce sujet.
[1] : Relevé de décision du CN du PCF du 28 et 29 mars
[2] : Rapport de Pierre Laurent au CN du PCF du 28 et 29 mars.
[3] : Déclaration du secrétariat national du PG suite aux élections régionales
[4] : Déclaration du PG sur les exécutifs régionaux
[5] : Communiqué de la Gauche Unitaire, second tour régionale 2010)