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28 janvier 2013 1 28 /01 /janvier /2013 22:52

http://photo.parismatch.com/media/photos2/actu/monde/vehicule-detruit-konna-mali/5318506-1-fre-FR/Vehicule-detruit-Konna-Mali.jpgCe vendredi 10 janvier, alors que la chute de Bamako n’était plus qu’une question de jours, le déclenchement d’une opération militaire française était sans doute la moins mauvaise solution :
·         Bamako aux mains des jihadistes[1] n’aurait très certainement pas favorisé la recherche d’une solution politique au conflit,

La sécurité de 6 000 ressortissants français et plusieurs milliers d’autres européens à Bamako était en danger et il paraissait peu probable de pouvoir tous les évacuer dans les délais impartis (même si l’intervention d’une armée étrangère pour protéger ses ressortissants est du pur « néo-colonialisme » ).

Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir. L’intervention militaire d’une ex puissance coloniale et occidentale dans un pays musulman n’est pas sans conséquence. L’histoire récente est assez chargée d’échecs en la matière. 

Une longue série d’erreurs pour en arriver là.

Si, ce vendredi 10 janvier au matin, il n’y avait sans doute plus guère d’autres choix que celui d’une intervention militaire directe de la France ; ce n’était pas le cas, six mois ou un an plus tôt. Notre pays a été contraint à la guerre, ce qui n’interdit nullement de faire la longue liste des fautes des différents acteurs de la communauté internationale en général et de la France en particulier qui nous ont mené là.

Le gouvernement malien d’avant le putsch de 2012 était notoirement corrompu, impliqué dans le trafic de drogue et sa démocratie plus que défaillante, même si ça n’a pas toujours été le cas.

L’armée américaine a entraîné certains éléments de l’armée malienne à la « guerre contre le terrorisme ». Ce sont précisément ces officiers – touaregs pour la plupart – qui se sont rebellés lors de l’offensive du MLNA (autonomiste touaregs) et ont entraîné la déroute de l’armée malienne.

Le Mali a été victime d’un putsch militaire au printemps 2012. Si la pression internationale a amené les putschistes à quitter le devant de la scène, aucune date d’élection n’est prévue, les putschistes continuent à œuvrer en coulisse (ils ont ainsi récemment démis le 1er ministre qui ne leur convenait pas). Et tout cela n’émeut guère la communauté internationale en général et la France en particulier. Laurent Fabius, interrogé par les journalistes avait ainsi minimisé le limogeage en décembre du 1er ministre par les « ex » putschistes. « Ce n’est pas un putsch, mais un remplacement de premier ministre par la force ». On apprécie le sens de la litote.

Le principe d’une intervention armée arrêté, on assistait jusqu’au vendredi 10 janvier à une véritable course de lenteur des états de la Cedeao pour sa mise en œuvre. Il aurait fallu presque un an pour la mettre en œuvre.

Malgré tous les moyens d’espionnage déployé, malgré tous les stratèges militaires, personne n’a été en mesure de détecter ou seulement d’imaginer que les jihadistes n’attendraient pas un an en se tournant les pouces que la foudre leur tombe sur la tête mais prendra l’initiative ?

La faute en revient à N. Sarkozy, mais il ne faut pas oublier que sans la guerre en Libye, nous n’en serions pas là. Les rebelles du MLNA étaient d’anciens mercenaires de Kadhafi rentré à la maison. Mais les jihadistes du Mujao et d’AQMI ont combattu aux côtés des rebelles libyens. On nous dit pudiquement qu’ils ont pillés les stocks d’armes de Kadhafi. On oublie de parler des armes parachutées dans le djebel Lybien par la France et dont certaines sont désormais aux mains des jihadistes et serviront maintenant contre les soldats français.

Alors non, il ne faut pas saluer le courage politique de F. Hollande d’avoir déclenché l’opération Serval, mais bien critiquer son incompétence qui nous a amené à la guerre.

Et maintenant, notre Afghanistan à nous ?

http://md0.libe.com/photo/487404/?modified_at=1358852257&ratio_x=03&ratio_y=02&width=476Les conditions d’un bourbier semblent réunies, si on continue dans cette ligne.

Des libérateurs qui deviendront rapidement des occupants.

Les médias nous annoncent que les forces françaises sont acclamées en libérateurs dans les villes reprises au jidhadistes ? Mais pour combien de temps.

En évitant la chute du sud Mali, l’armée française a du même coup sauvé le régime en place à Bamako ; autorité de « transition » qui ne semblent pas pressées de restaurer la démocratie et ex-putschistes encore bien présent.

L’armée française et d’autres armées occidentales envisagent d’armer et d’entrainer l’armée malienne. Mais cette armée est aujourd’hui une armée putschistes. Faut-il renforcer les putschistes au nom de la lutte contre les jihadistes ?

On parle aujourd’hui d’exactions commises par l’armée malienne, exécutions sommaires notamment. Cela n’ira pas en s’arrangeant au fur et à mesure que cette armée reprendra le contrôle du nord mali. Et en protectrice de l’armée malienne, l’armée française ne peut s’exonérer de toutes responsabilités.

Inévitablement, il y’aura des bavures commises par l’armée française. Celle-ci bombarde et envisage de continuer à bombarder plusieurs mois durant les villes du nord-mali. Il y’aura des « dommages collatéraux » dont on a vu en Afghanistan qu’ils ont renforcé autant et plus les talibans que les dommages non collatéraux les ont affaiblis. Déjà, il y’a l’affaire du « masque de mort » qui a fait la une des journaux.

Les villes reprises par l’armée française seront remises à qui ? A priori à l’armée malienne, putschistes faut-il encore le rappeler. Comment réagiront les autonomistes touaregs ? Si le mouvement armé MLNA a été défait par les jihadistes, cela ne veut pas dire que la population touaregs accueilleront avec joie l’armée du sud mali et ceux qui lui ouvre la route.

Le principal renfort africain de l’armée française sera l’armée tchadienne. L’armée d’un dictateur venue restaurer la démocratie en danger face à des fous de Dieu, on rêve.

Tôt ou tard, l’armée française sera vue comme une armée d’occupation. On en a vu les tristes résultats en Afghanistan.

Des buts de guerre des plus flous

http://s.tf1.fr/mmdia/i/40/8/mali-chasseurs-a-l-atterrissage-lors-de-l-operation-francaise-10840408ltyci_1713.jpg?v=1Les buts de guerre annoncés par le président de la république sont des plus flous.

Arrêter l’offensive jihadiste, nous sommes d’accord.

Libérer le nord du pays. Les généraux français espèrent reprendre les principales villes sous un mois. Si une avancée dans le désert paraît envisageable, le nord mali est extrêmement montagneux. Les groupes jihadistes y prospèrent depuis des années, malgré des opérations conjointes des pays limitrophes et le soutien des américains. Le terrain semble le même que l’Afghanistan, avec le succès que l’on sait.

Restaurer la démocratie au Mali. L’idée est belle, mais nul n’en voit le début de la mise en œuvre. Aucune date d’élection n’est prévue. Et si l’armée malienne est renforcée, comment faire pour ne pas renforcer du même coup les putschistes ? Personne ne répond à cette question.

Et nul ne parle non plus de l’importance stratégique pour la France des réserves en matière première des pays limitrophes (uranium au Niger, gaz et pétrole en Algérie). A cet égard, et pour le coup dans le plus pur style néo-colonial, la France vient d’envoyer ses forces spéciales protégés les intérêts privés d’une entreprise française (Mine d’uraniums d’Areva) dans un pays étranger ( le Niger)

La question politique Touareg n’est pas résolue.

Pour en sortir

Maintenant que nous y sommes, il ne s’agit pas de dire que l’armée française doit plier bagage et livrer le pays au jihadistes. Il s’agit de ne pas reproduire les erreurs de l’Afghanistan.

La France ne peut pas espérer vaincre militairement des mouvements de guérillas dans les montagnes du Nord Mali.

La France ne peut pas protéger un gouvernement putschistes, vraisemblablement corrompu par l’argent de la drogue.

L’armée Française doit changer sa stratégie et son orientation :

Elle doit immédiatement cesser de bombarder le nord du pays, il ne doit pas y’avoir de bavures. Bombarder des colonnes de jihadistes dans le désert peut-être, bombarder des zones habitées, très certainement non.

Elle doit cesser d’avancer vers le nord mais bien « tenir une ligne de démarcation », le temps qu’arrive et soit en place la force africaine mieux à même de reconquérir le nord mali, si on en arrive à cette extrémité, que l’ex puissance coloniale.

Le gouvernement français doit faciliter, par des pressions internationales, la restauration de la démocratie au Mali. Et en commençant par ne pas renforcer une armée qui n’aurait pas fait le ménage dans ses rangs et resterait sous l’influence des putschistes.

Le bourbier est annoncé, essayons de l’éviter.

Je choisis de nommer collectivement les groupes AQMI, Mujao et Ansar El Dine et ceux qui gravitent autour de  « jihadiste ». Il s’agit de groupes armés menant principalement non pas des opérations terroristes ( attentats, enlèvement), mais des opérations militaires de conquêtes de territoire, et ce dans un but religieux, imposé leur vision de l’Islam. Le terme « jihadiste » me paraît le mieux convenir. Cf. cet excellent article: « Jihadistes, Islamistes …comment nommer l’ennemi au Mali ? » de Rue 89, le 22/01/13.

« Nouveaux témoignages d’exactions au Mali », sur Le Monde.fr, le 25/01/13.

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commentaires

M
There several reasons tensions are arising in the Islamic countries and across the Middle East. The dictatorship and corruption are one of the solid reasons for the protests arising over there. The life condition of the lower class is very pathetic and no wonder they uproar against the corrupt governments.
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R
<br /> On ne te remerciera jamais assez d'avoir soutenu la guerre sarkozienne de Libye. Roquet<br />
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