L’interview de F. Hollande dans The Guardian est la
goutte d’eau qui fait déborder un vase, déjà bien rempli.
Dans ce qui a provoqué la colère des communistes et du Front de gauche, il y’a en premier lieu la phrase« Today there are no Communists in France. Or not many ... ». Cette phrase a bien sûr heurté les 130 000 adhérents du PCF, ses 10 000 élus et les 10% d’électeurs qui ont voté Front de Gauche aux dernières élections cantonales (les sondages indiquant une tendance similaires pour l’élection présidentielle). On peut supposer que les électeurs et militants de Lutte Ouvrière, du NPA et de l’ensemble de la sphère anticapitaliste qui se réclament également du marxisme ont également dû se sentir visés.
Elle démontre l’immense mépris dans lequel F. Hollande tient la sensibilité communiste et anticapitaliste. Elle fait suite à bien d’autres démonstrations, comme le refus de F. Hollande de répondre à l’offre de débat de J.L Mélenchon ; les alliances avec les Verts Europe-Ecologie pour prendre des sièges au PCF aux dernières élections cantonales ; ou la phrase de Jean-Paul Huchon, président PS de la région Ile de France, considérant Jean-Luc Mélenchon « plus grave que Le Pen », sans avoir été désavoué ni par M. Aubry, ni par F. Hollande.
Difficile bien sûr d’aller voter au second tour pour – le cas échant – quelqu’un qui vous tient dans un tel mépris. Mais au fond, ce n’est pas le plus grave dans cette interview.
Le plus grave, c’est la volonté affichée de rassurer La City, les places financières, les marchés. Il a ainsi minoré ses propos du Bourget de janvier désignant la finance comme son principal adversaire. Selon l’interview du Guardian : “it was an example of the broad, anti-banker campaign-rhetoric of all French presidential candidates, including those on the right.” Effectivement, si F. Hollande se veut l’adversaire de la finance comme N. Sarkozy l’a moralisé, le Guardian a raison de dire : “the City of London it should not fear his drive for more regulation of the financial world.”
F. Hollande met même en avant une certaine vision de 15 ans de gouvernement socialiste en France : « we liberalised the economy and opened up the markets to finance and privatisations. There is no big fear. »
Pour être honnête avec l’interview, F. Hollande temporise quelque peu ce point de vue en critiquant la fin des années Blairs : « Then he (Blairt) succumbed to the dominant idea that the markets could regulate themselves and the notion that the markets and [economic] liberalism in themselves could be a factor for growth ... We saw the consequences.”
Mais d’une part, Nicolas Sarkozy a lui critiqué les excès du libéralisme, et là encore on en a vu les conséquences : aucun changement d’orientation politique. D’autre part, cette critique finale vient après une éloge de la troisième voie de Tony Blair (ni droite ni gauche) et des premières années de son gouvernement. Ce qui en atténue grandement la portée.
En somme, cet article du Guardian est un excellent résumé des positions centristes et non de gauche de F. Hollande qui font qu’il me sera impossible de voter pour lui. Mais si ce n’est qu’un résumé, je me dois de prendre le temps de rappeler à quelques grands traits d’autres prises de position inacceptables pour la vraie gauche :
- La réforme des retraites : F. Hollande se propose de revenir à 60 ans uniquement pour les carrières longues, entérinant et avalisant de ce fait la réforme phare du quinquennat de Sarkozy pour tous les autres : prolongation de l’âge de la retraite et augmentation de la durée de cotisation.
- Le nombre de fonctionnaire : F. Hollande propose de créer 60 000 postes dans l’éducation nationale… en les prélevant sur d’autres ministères. Ce qui revient en creux à avaliser et entériner pour tous les autres ministères le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux pendant tout le quinquennat de Sarkozy. Tout juste concède-t-il que la droite est allée assez loin et qu’il faut s’arrêter là. Mais il ne dit pas que la droite est allée trop loin, sauf peut-être dans l’éducation nationale.
- Enfin et toujours, F. Hollande a défendu une Europe où la concurrence est libre et non faussée, aux côtés de N. Sarkozy et jusque dans les colonnes de Paris Match avec la photo désormais célèbre. Et dans l’entretien au Guardian, il défend encore une fois l’idée de modifier les traités européens par la voie parlementaire et non pas par référendum… comme Sarkozy ! Il continue dans la même voie en soutenant le Pacte Européen de Stabilité Financière qui va imposer l’austérité à toute l’Europe !
- Rappelons également que les socialistes allemands, placés devant le choix de gouverner avec la CDU (droite) ou avec Die Linke (équivalent du Front de Gauche) ont préférés gouverner avec la droite. Et que, à la question « Si Mélenchon était devant vous à la présidentielle, appelleriez vous à voter pour lui ? » F. Hollande n’a jamais accepté de répondre.
Alors non, je ne voterais pas F. Hollande au 2d tour de l’élection présidentielle, si d’aventure il devait y figurer et pas Jean-Luc Mélenchon.
Certains me répondront que le programme de N. Sarkozy est pire. Assurément, sans doute, peut être, enfin, c’est à voir… F. Hollande soutient et a soutenu l’ensemble des plans d’austérités mis en œuvre par le gouvernement socialiste de Grèce ; de même, il soutient le pacte de stabilité financière. C'est-à-dire que si la conjoncture économique venait à se dégrader, F. Hollande appliquerait à la France les mêmes politiques d’austérités que les socialistes grecs ont appliqué à la Grèce. Et elles sont assurément pires que le programme actuel de l’UMP.
Et quand bien même le programme de N. Sarkozy serait pire que celui de Hollande, pourquoi faut-il toujours choisir « le moins pire » ? Des millions d’électeurs s’abstiennent car ils ne croient plus en la politique, justement parce qu’il faut à chaque fois choisir « le moins pire ». Cette voie là est en train de tuer la gauche. Et il y’a un jour où il faut dire : « Stop, vous être en train de détruire l’idée même qu’un changement de société est possible. On ne vous accompagnera pas plus loin sur ce chemin mortifère »